Éleusis, un voyage dans le temps

 

Berceau de l'industrie grecque moderne, Éleusis, au regard de celui qui part à sa découverte, fait partie de ces villes qui offre les plus vifs contrastes. Les hautes cheminées et les toits des usines se confondent avec ceux des habitations tandis que le paysage urbain de son histoire récente prolonge les ruines héritées du passé.

 

Son nom, d'après le verbe « ελεύθω » (έρχομαι) (venir), en grec ancien, est une invitation à s'y rendre. C'est le lieu de l'avènement, de la présence. Comme si l'on y était déjà attendu.

Ce nom lui a vraisemblablement été donné en l'honneur de l'arrivée, de la venue de la déesse Déméter, déesse de la végétation; avant de se reposer près du «Παρθένιον φρέαρ »  (parthenion frear), puits des vierges où les femmes d'Éleusis allaient chercher l'eau, Déméter errait parmi les hommes, grimée en vieille femme, à la recherche de sa fille Perséphone que lui avait enlevée Hadès, le maître des enfers. La déesse était l'hôtesse du palais du roi de la ville, où elle veillait sur le jeune fils de la famille, avant que l'on ne découvre sa véritable identité. Quand Déméter et Perséphone se retrouvèrent enfin, les habitants d'Éleusis, en l'honneur de la venue de la Déesse, instituèrent ces cérémonies appelées Mystères d'Éleusis, et en firent l'une des cinq cités sacrées de la Grèce.

 

Éleusis est l'une de ces villes que l'on peut aborder par n'importe quel siècle au gré de sa fantaisie. On peut y vivre tout aussi facilement au passé qu'au présent. Si on choisit le saut en arrière, il suffit de suivre l'itinéraire ci-dessous :

 

La voie sacrée

La voie sacrée reliait Athènes avec Éleusis et la plaine de Thriassion. Nombre d'entre nous, en roulant sur la « Λεωφόρος Αθηνών », l’Avenue d’Athènes, n'imaginent pas qu'ils se trouvent sur la voie sacrée ou parallèlement à celle-ci.

Quand nous visitons le site archéologique, l'entrée de celui-ci correspond à son aboutissement, nous marchons littéralement sur la voie sacrée.

 

Puits Kallichoros, Puits des Belles danses

Ou autrement dit « Παρθένιον φρέαρ » , le puits des vierges, où les habitants d'Éleusis s'approvisionnaient en eau et où la déesse Déméter venait s'asseoir après ses errances.

 

Grands et petits propylées

Les escaliers à côté du puits Kallichoros mènent uniquement aux grands Propylées, construits sur le modèle de ceux de l'Acropole d'Athènes. Naturellement, ils sont tournés en direction d'Athènes. En continuant, on fait face aux petits Propylées ; au sol, deux sillons sont les traces des battants de l'ancienne porte par laquelle on pénétrait au sein même des mystères.

 

La grotte de Pluton

Imposante, sombre, elle se situe en bas, du côté est de la colline d'Éleusis. C'était le temple en l'honneur de Hadès (aussi appelé « Πλούτων » / Ploútôn, du mot Ploutos, « richesse » puisque son royaume se trouve dans le sol d’où naissent les céréales). Encore aujourd'hui, on y dépose des offrandes, souvent des grenades.

 

Télestérion

Il s'agit d'un espace rectangulaire parcouru de gradins taillés à même le rocher. Ici avaient lieu les mystères d'Éleusis, « mystères » qui perdurent encore aujourd'hui puisque ceux qui dévoilaient ce qui s'y déroulait étaient punis de mort. Le plus vraisemblable est qu'ils célébraient la descente de Perséphone pour rejoindre Hadès, et sa remontée dans le monde d'en haut où elle retrouvait sa mère. Six mois d'hiver, mois de séparation de la mère et de la fille, six mois de printemps, à nouveau réunies avec la nature en fête.

 

La chapelle « Panayitsa », La Petite Vierge

Sur la colline, surplombant le Télestérion se trouve une des trois petites chapelles d'Éleusis consacrée à la Παναγιά η Μεσοσπορίτισσα, littéralement la Vierge au milieu des semences que l'on fête le 21 novembre. Cette fête était particulièrement chère aux paysans des zones rurales, comme c'était le cas d'Éleusis jusqu'au début du 20ème siècle ; et comme la fête avait lieu au milieu de la période des semences, la Vierge fut appelée « Vierge au milieu des semences ». Ce jour-là, on fait bouillir différentes graines de céréales et de légumineuses, les « graines multiples » et avec des pains, on remonte par la rue qui menait les initiés au Télestérion, jusqu'à la colline. Cultes anciens et modernes se répondent.

“Pour le malheur de sa fille, ici elle était appelée Déméter, pour le malheur de son fils, plus loin c'était Alcmène ou la vierge » (« Voie sacrée », Vie lyrique, volume 5, Icare, 1968),

La «Panayitsa», la Petite Vierge n'est pas, cependant, uniquement le symbole d'une connivence entre anciens et nouveaux cultes mais aussi celui de deux êtres singuliers qui décidèrent d'unir ici leurs existences : Angélos Sikelianos, l'un des plus grands poètes grecs et Eva Palmer, chorégraphe américaine. Pour Sikelianos, Éleusis était un « signe du sacré » et une nuit, en dessous du ciel étoilé, il fut initié en même temps qu'à cet autre mystère, celui du mariage.

 

Le festival « Aisxylia »

Comme un pont jeté entre la mémoire et le présent , le festival « Aisxylia », consacré à Eschyle, et organisé depuis 42 ans chaque année en l'honneur du grand poète tragique qui était né ici, propose de juillet à novembre des spectacles musicaux, des représentations théâtrales, des expositions et des projections. Pour plus de renseignements, nous vous invitons à vous rendre sur le site du festival : aisxylia.gr/

 

Éleusis vous attend !

 

Irini Tzoura   13/10/2016

Traduit par Joëlle Cantin

 

Source/photo : https://pro.magnumphotos.com/Package/2TYRYD1KMKMK