Les Doors- Waiting For The Sun (1968)

 

« Si les portes de la perception étaient ouvertes, chaque chose semblerait à l’homme ce qu’elle est, infinie ».Cette phrase de William Blake inspira à l’écrivain Aldous Huxley son essai « Les portes de la perception », dans lequel il décrit l’action de la mescaline comme un moyen d’élargir temporairement les facultés perceptives et d’observation de l’homme. C'est ce livre qui va donner leur nom aux « Doors ».

 

Les Doors

Il faut souligner d'abord le rôle distinct de chaque membre du groupe. Comme s’il s’agissait de 4 stars du rock ayant délaissé leur propre formation pour faire ensemble 6 disques. Chaque chanson mérite d'être écoutée au moins cinq fois. D’abord comme un tout; il faut ensuite entendre chaque musicien séparément. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut apprécier le son et le jeu spécifiques à chacun et à son talent propre. Leur univers musical détonne, chaque musicien ayant une formation différente des autres.

Le groupe se compose du batteur John Densmore, (l’un des meilleurs dans l’histoire du rock, connu par son jeu très expressif), du guitariste Robby Krieger (en dehors du son classique, il jouait aussi du flamenco et des slide à la manière des anciens bluesmen noirs). L’homme-orchestre Ray Manzarek est aux claviers (peut-être la figure la plus connue après Morrison). Il est malheureusement mort en 2013.

 

Quelques mots à propos de Jim Morrison

Jim Morrison est né à Philadelphie, au sein d’une famille américaine et conservatrice. Il a d'abord étudié la mise en scène. On a souvent dit de lui qu’il avait un QI très élevé. Il abandonne rapidement le cinéma, ses réalisations à la fois très politisées et très hermétiques se heurtant à la sévérité des critiques. Il se tourne alors vers la poésie et par la suite, bien que lui-même ne fut pas musicien, vers la musique.

La réception, le sens qu'il convient de donner aux poèmes en vers de Morrison  varient en fonction de l'angle de vue et de la culture de chacun. Ainsi, les paroles « Papa, je vais te tuer, Maman, je vais te …) ont pu être diversement interprétées : pour certains, c'est une référence au mythe d'Oedipe, pour d'autres, elles témoignent de la fin du patriarcat dans l'Amérique conservatrice, pour d'autres encore, elles signifient ...qu'il faut tenir les enfants éloignés des Doors. Peut-être Morrison cherchait-il, en jouant de l'ambiguité de ses textes, à obtenir une multiplicité d'effets.

En dépit de son goût bien connu pour les femmes, et surtout de sa propension aux excès, qui fut la cause de sa mort prématurée en 1971 (à l’âge de 27 ans), Morrison a réussi à suivre sa propre voie et à se défendre des pressions des maisons de disque et du star-system.  Il s'est d'ailleurs chargé lui-même d'écorner l'image d'une rock star politiquement correcte, allant jusqu'à s'opposer aux trois autres Doors. Pour les maisons de disque, sa mort prématurée fut une véritable manne : Morrison fut alors vendu comme un symbole de la révolution des années 60.

 

L’Album

Même si les six albums avec Morrison (il y en eut deux autres sans lui) -qu'un après-midi suffit à écouter dans leur intégralité- sont des chefs d’œuvre, « Waiting for the sun » mérite de retenir l’attention parce qu’il est fortement marqué par la personnalité de chaque musicien, chacun ayant son propre son.

« Hello, I love you » et « Love street »  constituent une ouverture énergique suivi d’un morceau plus mélodique pour aborder ensuite le magistral « Not to touch the earth », mon préféré. « Summer almost gone » est une ballade mélancolique, où l’on entend distinctement le jeu de slide de Krieger. Dans la foulée suit la valse rapide « Wintertime love » qui fait une transition  avec le « Soldat inconnu », deuxième morceau « magistral » de la première face, aux accents pacifistes.

« Spanish caravane », haut en couleur, ouvre la deuxième face avec le jeu de flamenco de Krieger (basé sur « Asturias » de Albeniz); viennent ensuite « My wild love », chanté a capella, « We could be so good together » (qui a quelque chose du style brechtien de « Alabama Song »), « Yes the river knows » », autre chef d’œuvre et le disque se termine sur l’un des morceaux les plus « rock » des Doors, « Five to one ».

 

En conclusion

Le disque, d'une durée de 33 minutes, joue avec des sons empruntés à d'autres pays ou d'autres époques.

Alors que je connais leurs huit albums dans leur intégralité ; après avoir lu l'autobiographie de John Densmore, ainsi que les poèmes de Jim Morrison, vu le film d'Oliver Stone et le concert live des « Doors du 21ème siècle » : plus les années passent et plus je constate que certaines musiques qui tenaient le haut du podium s'évanouissent comme autant de modes éphémères tandis que les Doors reprennent la place qui est la leur parmi les groupes qui resteront.

 

Écrit par Xaris Grivas   9/11/2015

Traduit par Konstantina Stabolgi

Relecture : Joëlle Cantin