Voyage avec Olympia Kyriopoulos

 

J'ai rencontré Olympia Kyriopoulos un peu avant Noël. Elle est arrivée pleine d'énergie, avec un sourire étincelant et un petit sac en forme de fusée, une jeune femme déterminée qui s'approche toujours plus près de son rêve d'enfant : être astronaute. Olympia vit et travaille à Zürich, dans le domaine de l'aérospatial et elle fait partie des 420 Allemandes parmi lesquelles sera choisie la première Allemande envoyée sur  la station spatiale internationale.

Elles ne sont plus que 80 en lice dont Olympia qui poursuit son rêve. Au cours de notre entretien, il m'a semblé que la possibilité qu’elle devienne la première astronaute allemande est loin d'être la seule chose étonnante chez Olympia. Et j'espère que vous apprécierez cette rencontre autant que moi.

 

AB : Olympia, parle-nous un peu de toi.

 

Olympia : Je suis née et j'ai grandi à Darmstadt en Allemagne. Mon père est grec, ma grand-mère, dont je porte le nom, est née en Russie tandis que ma mère est polonaise d'un père allemand. J'ai une sœur jumelle et une plus petite. Je suis ingénieure, je fais également de la musique, je nage et j'adore les voyages. J'ai étudié et travaillé à Darmstadt jusqu'à une date récente, ces derniers mois, je vis et travaille à Zürich.

 

AB : Tu as toujours voulu aller dans l'espace ?

 

Olympia : C'est mon rêve d'enfant. Je me souviens qu'à 8 ans, je regardais les étoiles et je me suis dit « Je veux y aller ». A cet âge, je ne savais pas encore qu'il existait cette profession d'astronaute. Mais je regardais en haut et je me demandais ce qu'il y avait là et où nous nous trouvions nous. A l'école, nous avons étudié Le petit prince  et je me suis rendu compte qu’on pouvait apprendre à piloter et à aller tout là-haut. Lors d'une exposition qui avait pour thème « Prends une baguette magique et fais ce qui te plaît », j'avais répondu que je prenais la baguette magique et que soudain, je pouvais piloter !

Les discussions avec mes parents furent également une source d'inspiration. Je me souviens que mon père me disait que le mot « anthropos » provient de « ano » + « throsko », ce qui signifie « regarder plus haut », « aller quelque part », à la différence d'aujourd'hui où, avec les téléphones portables, tout le monde regarde vers le bas. L'important est de comprendre où nous vivons et où nous pouvons arriver, c'est pourquoi, après mon diplôme universitaire, j'ai fait le tour du monde, un voyage qui m'a permis de comprendre beaucoup de choses du monde dans lequel nous vivons.

 

A.B. : Peux-tu nous parler un peu de ce voyage ?

 

Olympia : Le voyage a duré 9 mois. C'était en 2005, j'attendais de commencer mon doctorat et comme il n'y avait pas de sujet pour moi, j'ai décidé de partir. Je suis partie seule, avec mon sac à dos, je voulais voir la terre avec mes propres yeux, sans la sécurité que donne une compagnie. J'ai parcouru les États-Unis. J'ai commencé par Washington, puis Boston et le Canada. Ensuite le Brésil et l'Argentine. Après l'Amérique latine, je suis allée en Chine, au Vietnam, en Thaïlande puis en Australie. Enfin, ma destination préférée, l'Afrique. Il y a un endroit, en Afrique, le Bulungula, dont je suis tombée amoureuse. J'ai vécu avec les gens de là-bas, ça a été une expérience formidable. Les gens étaient chaleureux et gentils. Ils étaient vrais. Mais ce qui m'a le plus plu au Bulungula, c'est qu'il n'y a pas d'électricité, et on voit les étoiles, le ciel, la nature. C'est un endroit au bord de la mer, verdoyant et proche du désert. C'est un paradis.

 

A.B. : Tu viens d'une famille qui a pu t'apporter le soutien matériel pour faire tout ça ?

 

Olympia : Non, au contraire, je viens d'une famille où il faut faire à partir de rien, car mes parents sont venus en Allemagne pour étudier et bâtir une vie meilleure. On a appris à vivre avec le strict nécessaire et dans l'idée qu'avec de la persévérance, du travail et une bonne planification, on peut faire beaucoup. Depuis toutes petites, nous avons appris mes sœurs et moi à construire notre avenir à partir de peu, et avec beaucoup de travail. Ce voyage, j'ai pu le faire avec l'argent gagné en travaillant quand j'étais étudiante.

 

A.B. : Après ce voyage, tu as commencé ton doctorat ?

 

Olympia : Oui, en 2006. Mon sujet de recherche concernait le comportement de l'eau quand elle entre en contact avec une surface chaude dans des conditions d'apesanteur. Les expériences dans les conditions d'apesanteur sont parmi les plus belles choses que j'ai faites. La sensation de flotter est incomparable. Il est important que les gens comprennent que les nombreuses expériences menées dans l'espace ont pour but d'améliorer notre qualité de vie. Nous apprenons comment fonctionnent les machines, les organismes. L'argent investi pour ces recherches a pour but d'améliorer notre vie.

Par exemple, tout le monde veut avoir un GPS et une connexion internet mais sans mettre en orbite des satellites, ce n'est pas possible. De même que le code barre que nous avons sur chaque produit provient de l'espace. Les astronautes l'utilisaient pour classer des données, faute de place. Aujourd'hui, il rend notre vie beaucoup plus simple. Et il y a d'innombrables exemples qui montrent que l'argent investi dans ces expériences améliore notre vie.

 

A.B. : Mais est-ce que la recherche a encore un sens, au vu de ce qui se passe sur la terre, où tout va de plus en plus mal ?

 

Olympia : Bien sûr que la recherche a un sens, mais il faut expliquer de quoi il s'agit et les raisons pour lesquelles on la fait.

 

A.B. : Et après ton doctorat… ?

 

Olympia : Après mon doctorat, j'ai commencé à travailler dans l'industrie aérospatiale, surtout dans le domaine des fusées et des satellites. J'ai apporté mon soutien à des expériences universitaires, participé à des colloques, avec toujours le futur de l’espace comme objectif, la vision prospective concernant l'espace. Neil Armstrong était un pionnier, il avait une vision. C'est ce qui nous manque aujourd'hui et c'est en ce sens que je veux travailler. La vision, l’avant-gardisme sont ce qu’il y a de plus important dans tous les domaines. Aujourd'hui, on a perdu ce romantisme, c'est l'argent qui compte, on reste à la surface des choses.

 

A.B. : Et aujourd'hui le gouvernement allemand t'a choisie parmi 420 femmes en compétition pour être la première Allemande dans l'espace. Comment se déroule cette expérience ?

 

Olympia : Elle est très importante parce qu'elle me permet de faire un pas de plus vers mon but. C'est évidemment très difficile, nous faisons beaucoup de tests et comme tu peux l'imaginer, la concurrence est très importante. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que 86 et nous continuons. Mais même si je n'y arrive pas cette fois, je sais qu'un jour j'irai dans l'espace.

 

A.B. : Tes débuts étaient difficiles et en travaillant avec acharnement, tu as obtenu tous ces succès ; pour toi, un monde meilleur est possible grâce à la connaissance ?

 

Olympia : Bien sûr, mais la science ne suffit pas, il faut de la passion. On doit essayer de devenir meilleurs, le but est important. Pour vivre, on n'a pas besoin de beaucoup, mais la connaissance est le fondement d'une vie meilleure, c'est la base et quelque chose que personne ne peut nous enlever.

 

A.B. : Je te remercie beaucoup.

 

Olympia. : Moi aussi !

 

Propos recueillis par Katerina Siani  22/1/2017

Traduit par Joëlle Cantin