Grigoris Lambrakis

1912-1963

A l’occasion de la présentation par Vasilis Vasilikos lui-même de la traduction en albanais de son roman Z, le 2 juin 2016 à Tirana, nous vous proposons de revenir sur la figure du député Grigoris Lambrakis, assassiné en mai 1963.

Il fut médecin, athlète, homme politique, mais par-dessus tout un combattant pour la démocratie et pour la paix. Il est né à Kerasitsa en Arcadie le 3 avril 1912. Après avoir fini son cycle d’études (secondaires), il passa par Athènes et entra en faculté de médecine. Dès l’adolescence, il pratiqua l’athlétisme et fut reçu dix fois vainqueur des Jeux balkaniques en saut en longueur, et resta détenteur pendant 23 ans, entre 1936 et1959, du record de Grèce dans cette discipline.

Il prit part activement à la Résistance nationale pendant l’Occupation allemande. En 1943, il fonda « l’Union des Athlètes Grecs » et organisa des compétitions sportives dont les recettes servaient à alimenter les soupes populaires. Après la Libération, il acheva ses études de médecine et en 1950 il fut proclamé professeur de la chaire de gynécologie et d’obstétrique.

Aux élections de « la violence et de la fraude » -c’est sous ce nom que demeura dans l’Histoire l’élection du 29 octobre 1961-, il se présenta avec le PAME (« Front rural pandémocratique de Grèce »), une coalition des forces de gauche chapeautée par l’EDA (Gauche démocratique unie), et fut élu député du Pirée. A la même période, il fut actif au sein du mouvement pacifique et de sa propre initiative fut fondée l’EEDYE (« Comité grec sur la récession et la paix internationales »).

Le 21 avril 1963, le Comité organisa une « marche de la paix » entre Marathon et Athènes. La police interdit la marche et arrêta un grand nombre de manifestants, parmi lesquels Mikis Theodorakis. Lambrakis, protégé par son immunité parlementaire, accomplit seul la marche, en brandissant une petite pancarte portant le symbole de la paix. Immédiatement après, il fut arrêté par la police.

Le 22 mai 1963, Grigoris Lambrakis se rendit à Thessalonique où il tint un discours en faveur de la paix. Après la manifestation, il fut victime d’une attaque visant à l’assassiner, en plein cœur de la ville, par un triporteur conduit par Spyros Gotzamanis et Emmanuel Emmanouilidis. Il mourut des suites de ses blessures graves le 27 mai à l’âge de 51 ans. Sa mort provoqua un ressentiment général, une crise politique des plus aiguës, mais aussi une condamnation d’envergure internationale.

Le lendemain, une foule de 500 000 hommes se rassembla au Premier cimetière pour lui rendre un « ultime salut ». Rapidement, le rassemblement se transforma en manifestation condamnant le gouvernement de droite de Constantin Karamanlis et le Palais.

Les auteurs véritables du meurtre de Lambrakis étaient Spyros Gotzamanis et Emmanuel Emmanouilidis, mais l’enquête judiciaire que menèrent le procureur Pavlos Delaportas et le jeune juge d’instruction Christos Sartzetakis mit au jour des relations entre le gouvernement et une organisation para-étatique d’extrême droite. Le juge Sartzetakis, surtout, inculpa aussi contre les officiers supérieurs de la gendarmerie. Les auteurs des faits furent condamnés en décembre 1966 à une longue peine d’emprisonnement et furent libérés pendant la dictature [des colonels].

Le meurtre de Lambrakis accéléra les progrès en politique. Le premier ministre Constantin Caramanlis, après avoir déclaré « Qui gouverne ce pays ? » démissionna de son poste, abandonna la politique en juin 1963 et se retira à Paris. Des milliers de jeunes fondèrent l’organisation politique « Jeunesse démocratique Lambrakis » qui joua un rôle déterminant dans le mouvement progressiste des années 60. Mikis Theodorakis assura la charge de premier secrétaire de l’organisation.

Grigoris Lambrakis, de par sa personnalité et son action, demeure aujourd’hui encore un symbole de démocratie, et de l’Homme aux prises avec l’oppression politique.

Source : https://www.sansimera.gr/biographies/164

Articles originaux d’Eleutheria en ligne, des 23 mai (annonce de la mort) et 29 mai (funérailles) 1963:  http://efimeris.nlg.gr/ns/pdfwin.asp?c=64&dc=23&db=5&da=1963

 http://efimeris.nlg.gr/ns/pdfwin.asp?c=64&dc=29&db=5&da=1963

Traduit par Benoit Dercy (adhérent à Phonie-Graphie, association pour la promotion du grec moderne en France)  20/8/2016